Sihanoukville Paillote : où les kways sont synonymes de joie

Le long de la voie de chemin de fer et en face d’une gare pratiquement déserte, à 15 minutes de route de Central Sihanoukville et dans un environnement triste, gris et extrêmement pauvre, se trouve une petite école très colorée où a lieu le Programme de Continuité Scolaire de Sihanoukville Paillote. Chaque matin, 16 moniteurs et leurs kways descendent du bus bleu et blanc de PSE, prêts à danser et chanter toute la journée pour les enfants.

 Chaque matin, 16 moniteurs et leurs kways descendent du bus bleu et blanc de PSE.

Comme dans de nombreuses paillotes, les enfants attendent déjà les moniteurs lorsque ceux-ci arrivent et de grands sourires illuminent leurs visages lorsqu’ils voient les volontaires sortir du bus. Il n’y pas de cuisinier ici, et la cuisinière de Central Sihanoukville ne peut pas préparer le petit-déjeuner si tôt donc les enfants ont droit à un petit-déjeuner spécial tous les matins, fait de pain et de sardines dans de la sauce tomate. Et juste après avoir pris leurs douches, les enfants se ruent sur ce petit-déjeuner qui change tant du riz qu’ils ont l’habitude de manger. La plupart des enfants habitent près de l’école, ce qui explique pourquoi, même si le bus de PSE va en chercher certains, la plupart arrive à pieds et il n’est pas rare de voir arriver des enfants jusqu’à 9h alors que les activités commencent aux alentours de 8h30. “Quand ils habitent aussi près de la paillote, ils pensent qu’ils peuvent venir quand ils veulent, donc on les voit arriver toute la journée” explique Marina, la coordinatrice européenne du projet. Pour cette raison, le portail reste toujours ouvert.

Marina et Olivia augmentent la difficulté du jeu afin que les Olympiades soient justes pour tous !

Lorsqu’il pleut trop, certains moniteurs vont faire un tour dans le quartier pour encourager les enfants qui ne sont pas encore arrivés à venir. Entre 60 et 100 enfants sont accueillis chaque jour dans la petite école qui sert de garderie à l’année, et il est attendrissant de les voir faire la queue pour être inscrit devant Nidy, l’enseignante. Elle les connaît tous étant donné qu’elle enseigne ici depuis plus de six ans et reste le temps du programme d’été pour aider. “Ici les enfants viennent pour ne pas être seuls à la maison pendant que leurs parents travaillent” explique-t-elle. En effet, les enfants accueillis au sein de ce programme sont très jeunes, entre 2 et 12 ans. Les plus âgés rejoignent le programme de Central Sihanouk.

Comme un dans une chorégraphie géante, les dizaines de T-shirts roses, bleus, jaunes et verts des enfants se mettent en ligne, jouent ou vont à la sieste.

La paillote ressemble à une grande cabane en bois sur pilotis dont le rez-de-chaussée est dédié au Programme de Continuité Scolaire. Les infrastructures sont on ne peut plus simples en raison des inondations régulières, il n’y a quasiment pas de sol bétonnée ou de murs à proprement parler – ces derniers sont en réalité des grillages sur lesquels sèchent les t-shirts bleu clair utilisés pour les sorties à la plages. Entre le toboggan bleu et les arbres verts, la cour de la paillote résonne des rires des enfants et, malgré la pluie, les moniteurs organisent de nombreux jeux et activités en extérieur afin que les enfants puissent se courir et se défouler. La paillote étant petite, le moindre de ses recoin est exploité et comme un dans une chorégraphie géante, les dizaines de T-shirts roses, bleus, jaunes et verts des enfants se mettent en ligne, jouent ou vont à la sieste. Ici, tout le monde sait ce qu’il doit faire, les moniteurs comme les plus petits, et la journée se passe en douceur. Cependant, la pluie exige une logistique beaucoup plus importante étant donné que tout doit être prévu en double dans les cas où les espaces extérieurs ne seraient pas utilisables. “La première semaine à été dure parce que personne ne savait quoi faire avec tant d’enfants à garder à l’intérieur, ni les les moniteurs khmers, ni les moniteurs européens”, raconte Marina.

Les enfants sont cernés par l’ignorance, illettrisme et la violence. La violence est le plus sournois de ces facteurs car les enfants ne la reconnaissent même pas.

L’atmosphère de la paillote de Sihanoukvile est très spéciale étant donné que les enfants font probablement partie des plus pauvres dont PSE s’occupe. “Je n’ai jamais vu ça. Ils ne sont pas seulement sales, ils n’ont pas de vêtements, pas de chaussures, même pas certains abîmés”, dit Olivia, monitrice européenne pour la deuxième fois.

L’équipe de moniteurs au complet est allée rendre visite aux enfants là où ils habitent, un grand moment de bonheur pour eux et un moment de stupéfaction mêlé de tristesse pour les moniteurs.

Que ce soit en allant les chercher ou lors de la visite des villages avec la Social Team (équipe sociale), un constat est possible : l’environnement dans lequel ces enfants grandissent ne leur apporte aucune perspective d’avenir. Ils sont cernés par l’ignorance, l’illetrisme et la violence. La violence est le plus sournois de ces trois facteurs car les enfants ne la reconnaissent même pas : lorsqu’on demande aux enfants s’ils ont déjà assistés à des situations violentes ils répondent tous que non, en revanche, lorsqu’on leur demande s’ils ont déjà été battus ou s’ils ont déjà vu quelqu’un se faire battre la plupart lève la main pour répondre oui. Pendant trois semaines, les ateliers hebdomadaires sur le comportement et le développement de l’intelligence émotionnelle ont été dédiés aux thèmes de la violence et du conflit. Ces ateliers sont organisés à la fois par les moniteurs européens et par les moniteurs khmers, ces derniers étant particulièrement appliqués et désireux d’aider. “L’un d’entre eux a pleuré en écoutant un de nos enfants parce qu’il lui était arrivé la même chose”, explique Marina. Les moniteurs khmers, tout autant que les Européens, sont des exemples pour les enfants et prouvent la possibilité d’une meilleure vie, c’est pourquoi leur cohésion et leur travail d’équipe sont absolument essentiels, d’autant plus devant ces enfants laissés pour compte.

Faire grandir leur soif d’apprendre et attiser leur curiosité .

Pour résoudre et éradiquer la violence parmi les enfants du programme, l’une des solutions trouvées par les moniteurs est de faire grandir leur soif d’apprendre et d’attiser leur curiosité en dédiant certains moments de la journée à la lecture. Par exemple, après le petit-déjeuner, il est facile de trouver un moniteur entouré de cinq ou six enfants écoutant très attentivement l’histoire qu’il leur raconte, même si c’est en anglais ! Ecouter le conte et en regarder les images représente déjà beaucoup pour eux. Ils se réunissent également tous avant le déjeuner, et l’un des moniteurs khmers lit pour eux : voir ces 70 petits visages très concentrés sur ce qu’on leur lit est adorable.

Dans la paillote de Sihanoukville, on apprend aux enfants à prendre l’habitude de lire. Ici, six d’entre eux sont très concentrés sur l’histoire racontée par Adrien.
70 regards tournés vers leur moniteur, impatients de connaître la suite du conte.

Pourtant, malgré la volonté qu’ont certains enfants d’apprendre et le fait que leurs parents le reconnaissent volontiers, l’argent reste la priorité pour ces derniers et comme l’explique Nidy, “même s’ils peuvent trouver plus d’argent grâce aux emplois créés par les étrangers, ils ne vivent pas mieux parce qu’ils doivent dépenser plus comme tout est devenu plus cher”. Laura, qui supervise les programmes situés à Siem reap et Sihanoukville, souligne également un nouveau genre de problème qu’elle illustre avec la situation d’une jeune fille de 14 ans : “La compensation en riz ne suffit plus pour les familles, quand elle travaille elle peut gagner jusqu’à 350$ toute seule en un mois, donc les trois kilos de riz leur sont complètment égal. Ils veulent seulement gagner le plus d’argent possible pour pouvoir quitter la ville et déménager ailleurs. L’éducation n’est pas leur priorité actuelle.”

Les enfants forment une grande famille dans laquelle ils accueillent chaleureusement leurs moniteurs pendant les quatre semaines du Programme de Continuité Scolaire.

Dans la paillote de Sihanoukville, les enfants viennent tous des mêmes villages et ils sont amis en dehors de l’école. Malgré leurs conditions de vie terriblement pauvres, malgré la pluie, malgré la petitesse de la paillote, les enfants ne forment qu’une grande famille au sourire immense sous le regard bienveillant de Marina, famille dont les moniteurs font entièrement partie durant le mois d’Août.


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